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  • Photo du rédacteurdomblidesmathieu

Cachez moi ce tutoriel que je ne saurais voir !

Dernière mise à jour : 22 juin 2023

Le jeu Super Mario 64 est sorti en 1996 au Japon et en 1997 chez nous. Il constituait ainsi un des (maigres) jeux du line-up de la Nintendo 64. C’est enfoncer des portes ouvertes que de dire qu’il y a eu un avant et un après la sortie du titre. Tout ou presque a cependant déjà été dit: la révolution de la 3D, la gestion de sa caméra, la construction d’un environnement ouvert, etc… Il y a cependant un point qu’on a tendance à oublier : la “first hour experience”. Derrière cet anglicisme, on retrouve le génie de Nintendo pour apprendre aux joueur.ses les mécanique de leurs jeux, sans les faire crouler sous une tonne d'informations. Ils ont ainsi créé une structure de tutoriel quasi parfaite, qu'ils vont réitérer, permettant d'apprendre les mécaniques du jeu sans que les joueur.ses ne s'en rendent compte. Nous allons donc voir cela en analysant le premier niveau de Super Mario 64 !



Dans sa conférence à la GDC “How I Got My Mom to Play Through Plants vs. Zombies”, George Fan explique que, si vous voulez que le public joue 30 minutes à votre jeu, il faut réussir les 5 premières : le tutoriel est donc crucial. Si, en plus, l'apprentissage peut être intuitif et ludique, c’est encore mieux. Il dévoile ainsi quelques astuces utilisées dans son jeu comme:

  • Cacher le plus possible le tutoriel et ne pas avoir une option “tutoriel” en début de partie;

  • Surprendre les joueur.ses, de sorte qu’il se dise “Ah mais ce jeu a un tuto?!”;

  • Il vaut mieux que le joueur fasse et teste plutôt qu’il ne lise;

  • Laisser les joueur.ses jouer avec ses nouveaux outils avant d'en ajouter d'autres.


Avant l'épisode sur Nintendo 64, Super Mario Bros. sur NES était déjà un cas d’école puisque les joueur.ses étaient lancé.es directement, et sans explications, dans le niveau 1-1. La construction du game et du level design suffisait à nous faire comprendre ce qui était attendu et ce que devait faire les joueur.ses. Les jeux suivants sur NES n'ont fait que reprendre cette idée. Super Mario World sur SNES rajoute des boîtes d’instruction, permettant d’expliquer le fonctionnement de certaines mécaniques de jeu et les bases de l'histoire. Super Mario 64 va alors marquer un tournant. On peut déjà noter qu'on passe de jeux de plateforme à un jeu avec une grande part d’exploration (même si Super Mario World initiait ce virage). On passe aussi de jeux plutôt linéaires à un jeu bien plus éclaté dans sa progression.


Tout commence après la cinématique d’introduction. Mario sort de son tuyau et une boîte de dialogue apparaît: “Contrôler Mario est très facile: appuyez sur A pour sauter et sur B pour attaquer. Appuyez sur B pour lire les pancartes. Utilisez le stick multidirectionnel pour déplacer Mario. Et maintenant en route vers le château”.

Ce qui est intéressant ici est que le jeu va montrer aux joueur.ses, via son premier angle de caméra, la première destination de Mario : le château. Ensuite, il leur laisse une aire totalement vide, sans ennemis, qui va lui permettre de se familiariser avec les commandes du jeu. Pour cela, et c’est paradoxale, cela va passer par tout un tas de pancartes. Ceci contredit donc ce que nous disions en introduction. Là où ça devient du génie c’est que, pour chaque pancarte, le jeu va placer devant Mario de quoi mettre de suite en application ce qu’il a lu.


Par exemple, comme le montre l'image ci-contre, les développeurs ont mis une longue ligne droite avec un pont, sans virage ou ennemis, permettant de tester le saut en longueur ou le triple saut. De même, pour la nage, le joueur a un grand espace aquatique, sans aucun ennemi. Ici on apprend à agir.



Une fois les premiers mouvements acquis, les joueur.ses sont prêt.es pour rentrer dans le château. IIs.elles entrouvrent les portes et se retrouvent dans le hall. Face à eux.elles, un escalier avec des pièces de chaque côté, accessibles avec un simple saut. Les joueurs.ses découvrent ainsi que Mario peut désormais rester accrocher au bord des surfaces, et ce sans aucun texte.


Il faut se remettre dans le contexte et se dire, qu'à l'époque, le concept de hub central n'existait pas. Pour le guider, un Toad explique à Mario qu’il y a des mondes cachés derrière les murs et les tableaux du château (petit foreshadowing pour le monde de glace plus tard au passage). Il ne reste donc plus qu’à essayer de sauter dans le tableau de la seule porte ouvrable et hop, bienvenu dans le premier monde de Super Mario 64 !

Comme l’enseignement est à base de répétition, le jeu va redire pas mal de choses vus dans le jardin. Cependant, la mise en situation derrière va changer et va être évolutive. Le titre de la mission, “Roi Bob-omb du sommet”, indique au joueur l’endroit où il doit se rendre. Ceci est appuyé par le premier angle de caméra en arrivant dans ce monde: orienté pour permettre aux joueur.ses de voir la montagne et donc son objectif. De plus, dès l’arrivée dans le niveau, une boite de texte apparaît, conseillant à Mario de parler au bob-omb rose proche de lui. Ce dernier permettra d’aiguiller les joueur.ses pour qui tous ces messages cachés n’ont pas suffit. Enfin, ceux.celles aguerris aux jeux de la licence seront surpris.es par l’absence de chronomètre : une première montrant ainsi qu’on est sur un jeu qui va demander d’explorer et de prendre son temps!



Une fois lancé, Mario aura de nouveau des pancartes face à lui. Celles-ci vont expliquer comment fonctionne le bouton B. Il permet en effet de prendre ou de lancer des objets, mais aussi de taper les adversaires. Les développeurs vont alors proposer un challenge progressif aux joueurs.es. On commence ainsi avec des objets immobiles, les caisses. Ensuite des goombas, facile car ils n’attaquent que s’ils nous voient, et on peut toujours leur sauter dessus pour les éliminer. Ça se complique juste après puisque les joueur.ses vont se retrouver confronter aux bob-omb, impossible à battre en leur sautant dessus. Il faut donc forcément les attraper. Heureusement, quand elles nous voient elles nous foncent dessus, mais ceci vient faciliter l’usage du bouton B car nous n'avons pas à leur courir après. Enfin, pour terminer avec cette partie, le jeu placera sur les missions suivantes un Koopa qui, pour le coup, s’enfuit en nous voyant. Il faudra donc synchroniser à la fois la course et l’attaque pour espérer l’attraper. On voit donc ici qu’on est face à un tutoriel progressif, commençant par un panneau, puis des objets immobiles, des ennemis peu agressifs et se concluant par des ennemis fuyant.

On enchaîne ensuite logiquement avec les déplacements. Nous avons vu au départ que le jeu nous incitait à aller vers la montagne.

Mario peut avancer et suivre le chemin proposé par les développeurs. Deux voies s'offrent à lui : soit il monte via le petit ponton, soit il utilise les plateformes tournantes. Ces dernières demandent cependant un peu plus de techniques et ne seront pas forcément prises par les débutant.es.


Une fois à l’étage supérieur du niveau, le jeu va vérifier qu’on sache se déplacer en nous envoyant des bulles de savon. Celles-ci tombent lentement, avec une grande amplitude de rebondissement. Ceci permet à Mario de changer de trajectoire au dernier moment. On est donc passé d’un terrain sans grand danger (hormis un goomba) à un champ où il faut apprendre à se déplacer parfois rapidement, anticipant les changements de directions de ces bulles.

On continue avec une pancarte flèche qui indique où aller. Ici aussi, deux accès possibles très différents. Ceci montre aux joueur.ses qu’on peut avoir plusieurs chemins pour une même étoile.

Un des chemins propose de passer entre des boulets dans une sorte de half pipe. Ceci permet aux développeurs de vérifier que les joueur.ses savent se déplacer désormais avec des obstacles bougeant rapidement et de manière linéaire. Lors de l’ ascension de la montagne, le challenge augmente puisqu'il faudra esquiver d'autres boulets, fonçant sur Mario à plus ou moins grande vitesse, et sur un chemin de plus en plus étroit. De plus, cela permettra aussi d’apprendre à tourner la caméra à chaque angle de mur, afin de mieux appréhender ce qui les attendent.

Enfin, le boss va venir vérifier qu’on a acquis toutes les compétences décrites précédemment: la mouvement en changeant de direction rapidement pour passer dans le dos de l’ennemi, l'utilisation du bouton B pour prendre un ennemi, etc… Avec ce premier niveau, les joueur.ses ont appris progressivement, avec des activités de plus en plus complexes, mais dans un environnement simple, sans vide et sans grande difficulté. Ceci permet de mettre en pratique ce qui a été appris dans le château, non plus en agissant mais en réagissant cette fois et avec divers sous tutoriels et activités disséminés un peu partout dans le niveau.


Une fois cette première étoile en poche, le jeu proposera, avec la deuxième étoile, de recommencer pour valider l'acquisition définitive de ces compétences, mais en allant plus vite et avec plus d’obstacles. Toute cette façon de faire va se répéter tout le long du jeu. Par exemple, au deuxième niveau, le jeu va introduire le vide, rendant les chutes fatales, ainsi que l’attaque rodéo, introduite progressivement comme dans le premier niveau. Et ainsi de suite!


En conclusion, j'espère vous avoir montrer à quel point Super Mario 64 a aussi montré une voie à suivre en terme de tutoriel. Malheureusement, avec la complexification des gameplays, de nombreux jeux ont choisi de rendre cette partie de plus en plus lourde et longue (Assassin's Creed est pour moi l'antithèse de Mario 64). Cependant, Nintendo ,encore lui, a montré avec Zelda Breath Of The Wild qu'il est possible d'avoir des mécaniques de jeu complexes mais expliquées sans avoir recours à de longs textes. Un nouvel espoir est né!

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